Qui vole un âne vole...

Elle me prend au dépourvu, la salope, excusez cette vulgarité qui ne sort de ma pensée que quand elle est acculée à d'improbables solutions et qui dans de tels cas ne s'adresse qu'aux femmes. Il ne me viendrait jamais à l'esprit de qualifier les hommes qui pourtant ont été plus source, du moins en ce qui me concerne ,d'embûches. Voler un objet de taille raisonnable, je n'y avais jamais songé jusqu’alors mais escamoter un animal qui mesure 1,20 mètre au garrot, il faut pour le moins un sens de l'organisation, voire de l'anticipation que fort heureusement mes fonctions de conducteur de travaux ont consolidés mais entre un bâtiment à rénover dans les temps impartis et un animal qui n'en fait qu'à sa tête, et Dieu sait si celui-ci est imprévisible, il y a une marge que j'hésite à franchir...mais Francis James,mon amour immodéré pour les ânes me poussent vers mes derniers retranchements.

Je suis votre homme...finis-je par bredouiller après les tempêtes contradictoires qui ont secoué mon entendement.

Le reste de la soirée s'est passé comme un rêve ou comme un cauchemar, c'est selon...Pour mener à bien l'entreprise, je me suis mis en stand-by de mon cerveau que le sur-moi encouragé par des années d'éducation rigoriste, risquait de ralentir.

Maintenant, j'ai en face de moi dans mon salon, moi raide au bord du fauteuil, elle, la vétérinaire dont l'anxiété visible l'empêche de se laisser avaler par le moelleux de mon canapé en duvet d'eider et l'âne qui des trois a l'attitude la plus digne, rivé sur des pattes avant aussi rigides que des i qui ne veulent pas s'abandonner en des r, signe de son intéressement à notre conversation, il n'en a pas moins laissé son train arrière affalé sur le sol. Il ne mobilise que la partie de son être qui risque d'être sollicitée. Moi qui suis tendu de la pointe de mes orteils à la racine de mes cheveux, j'envie cette faculté à pouvoir dissocier l'esprit et le corps. Même mes poils ,impressionnés par la scène qui se joue se hérissent . Ce qui me console : l'attitude de la vétérinaire qui malgré son discours essaime la peur. Parce qu'elle aurait jamais du être là et que ce cas dépasse ses compétences, elle sue...elle expurge ce qu'elle a fait.