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La Sancha au sang chaud

Un dégueuloir mais sans trop de mauvaises odeurs, je suis trop polie pour ça !

Un juge tatillon

J'en ai par dessus la tête de cette histoire. Tout le monde me tombe à bras raccourci sur le poil afin que je dévoile les secrets de l'instruction. Au début, j'ai été tenté par les nombreux solliciteurs, surtout des journalistes qui ne rêvaient que d'une chose : glaner le moindre renseignement dont ils pourraient tirer parti, certains en noircissant les colonnes de leurs journaux voire de leur site internet, d'autres, tendant le micro comme s'il allait récupérer la bouffe qui les fera vivre, quand il ne s'agissait pas du mixe agressif micro-caméra qui capture et vos paroles et votre image.

J'ai été un temps attiré par une notoriété factice et éphémère. Cela aurait été tellement valorisant d'être le juge number one du moment. Je suis fait d'un bois qui vibre, un bois tendre en quête de célébrité et ce n'est pas dans mon tribunal ultra-périphériques depuis que l'ETA a baissé la crosse vers le sol, que mes fibres vont s'entrechoquer J'ai vite pris la mesure de la vacuité d'une telle occurrence.

Et puis, dès les premières informations reçues, concernant cette affaire, j'ai compris qu'elle échappait à ma capacité de juge. Le moindre de ses détails me transportait illico vers une période où préadolescent, de peur d'affronter un monde que je trouvais trop grand, je m'emprisonnais dans la lecture. A côté de la lunette des toilettes j'avais annexé l'annuaire du téléphone et parcourais la liste des noms, le temps que je démoule comme on dit vulgairement un cake, moi le constipé de nature et comme j'étais cruel, chaque nom qui admettait soit un mauvais jeu de mots, soit une moquerie directe, du genre chaumeur,par exemple, actionnait immanquablement le couperet qui favorisait la mission pour lequel ce genre d'exercice était mandaté, la délivrance quand mes matières daignaient enfin s'extraire de mon corps : Et bien celui-la, il est mal barré dans la vie..me réjouissais-je tout en m'apoplexisant en une poussée salvatrice. A ma décharge je n'évoque pas les pires vacheries dont les toilettes de ma maison familiales ont été témoins…

Toujours est-il que si j'avais continué à juger, aussi lentement qu'un étron en général surdimensionné, prenait de temps à violer la barre de mes sphincters, le dossier aurait été frappé de péremption. ce n'est pourtant pas ma motivation principale à être un juge tatillon. J'avais une particularité physiologique, les ongles des pouces de mes quatre extrémités refusaient de pousser et quand cette anomalie fut connu de l'ensemble du collège que je fréquentais, via ce que je considérais être un ami, du jour au lendemain, je fus affublé du surnom de petite bite. Je n'ai jamais compris le lien de cause à effet. Toujours est-il que je me suis traîné cette réputation quatre ans durant le temps que je change d'établissement. Vous dire que j'étais mortifié, c'est le mot exact qui traduit l'état dans lequel j'errais en permanence, entre la vie en devenir et la mort immédiate à laquelle cet ostracisme me poussait.

Encore ai-je eu de la chance d'échapper aux réseaux sociaux, inexistant à l'époque et qui aurait propagé sans nulle doute ma soi-disant infirmité.

Il n'est pas un jour où j'expérimente la qualité de ma bandaison soit auprès de contemporaines réceptives, soit auprès de professionnelles dont le moindre des défaut est de vous flatter, ne serait-ce que pour fidéliser la clientèle ?

Alors, quand j'ai parcouru ce dossier et qu’au fur et à mesure me sont parvenus les éléments que m'ont transmis les enquêteurs, j'ai tout de suite penser à une erreur de jugement. Une histoire d'ongle qui ne pousse pas mais à une autre échelle. Les communications avec le terrain ne me laissent aucun doute, nous sommes au sein d'une affaire hors norme. Quand par la presse,j'ai été informé de l'improbable existence de l'âne à notre époque et comme de nombreuses circonstances échappent à mon entendement, je conclus à un non-lieu. Dès le début de ce dossier, et sans le vouloir, j'ai été projeté quelques années en arrière quand mes frustrations de « petite bite » se consolaient dans la lecture. Le Don Quichotte, une découverte plus que salutaire de quoi faire supporter les brimades des années durant. Tout de cette instruction me propulse vers cette fabuleuse rencontre qu'est le roman de Cervantès. Elle m'interdit en conséquence les poursuitee à l'encontre des protagonistes qui se revendiquent tels et actuellement emprisonnés dans l'une de nos geôles

Et pourtant, ma vision littéraire des événements va être mis à rude épreuve. Je dois convaincre mon supérieur, la brigade et le parquet anti-terroriste que nos voisins les Français font fausse-route, et comme je sais que tout ce beau monde est sur les dents, difficile de causer littérature.

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