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La Sancha au sang chaud

Un dégueuloir mais sans trop de mauvaises odeurs, je suis trop polie pour ça !

Quand la viennoiserie me rend chocolat

- En quoi allez-vous le transformer ?

- Laissez- moi faire !!!

Et quand elle a dit laissez-moi faire, je ne m’imaginais pas attendre autant de temps, à savoir une nuit blanche, pour comprendre les premiers éléments de son plan. Une nuit, que dis-je... Angoisses permanentes de l'endormissement jusqu'au chaos total interrompu soudainement par un cauchemar insupportable .

- A quelle sauce vous l'avez accommodé ? Les tremblements anxieux de ma voix ne sont pas feints.

Consciente de mon état, elle ménage le suspense en me narrant par le menu le cheminement de sa réflexion.

Le récit à peine entamé, je la coupe ayant compris son petit manège servant à attiser les charbons ardents qui contraignent mon corps à une espèce de danse de Saint-Guy involontaire. Elle n'en poursuit pas moins le récit chronologique de sa nuit blanche.

En fait, me dit-elle, elle l'a passé les yeux rivés sur son écran d'ordinateur à chercher la solution miracle pour camoufler les particularités physiques d'un animal qui, rappelons le, est sensé avoir disparu il y a trois siècles.

Certaines caractéristiques sont, de son point de vue facilement escamotables par un tour de passe-passe que mon niveau de réveil incomplet n'a saisi qu'en partie. Par contre, le volume du haut de sa tête et la forme de son croupion, ajoute-t'elle docte,inédits chez nos asins modernes, ne peuvent être dissimulés que par un chapeau et un pantalon suffisamment ample.

- Je ne pense pas que Paradis, c'est ainsi que vous l'avez baptisé, n'est-ce-pas ? Apprécirait un tel déguisement.

- A-t'il le choix ?...Que pourrait-il faire ? Ruer dans tous les sens pour se débarrasser du déguisement. N'y a-t-il pas une manière de confectionner les habits de façon à ce qu'il ne puisse pas se dévêtir.

- Ce que n'hésiterait pas à faire cet âne pour éviter une blessure d'amour-propre...Bien plus que vous ne l'imaginez ! Lui reviennent en mémoire les quelques mots que ce derniers lui a adressés. Elle se défend d'en parler. Elle respecte le silence de Paradis qui n'a cru bon dévoiler son secret qu'à elle.

- D'autant, elle a le sentiment de noyer le poisson en aiguillant la conversation vers un tout autre sujet, que votre ami Miguel rôde encore dans les parages. A plusieurs reprises, il me semble avoir vu la haie qui borde votre propriété s'agiter sans qu'une quelconque rafale de vent n'explique le phénomène. Ce n'est qu'un demi-mensonge : elle a juste amplifié la réalité afin que je morde à l'hameçon.

Aussitôt mes craintes se réactivent.

C'est quoi la solution, alors ?

Arrêtez de frétiller ainsi ! Je crois que j'ai trouvé la cache idéale. Auparavant tout de même et si ce journaliste est encore dans les parages, nous devrons faire diversion. En attendant, l'âne reste ici.

Mais je ne veux pas me priver du plaisir de vous faire mariner un chouïa. Je crois que le litre de café que je vais ingurgité sera insuffisant à la dose de réveil nécessaire à ma journée de travail qui s'annonce. Sans vous commander bien-sûr, vous serait-il possible de filer à la boulangerie acheter un tombereau de viennoiseries. Autant de chocolatines que de croissants…

Le mot de chocolatines me surprend comme celui de poches au lieu de sac en plastique quand j'ai besoin au supermarché d'un contenant pour mes achats et que dire du « et là » réponse poli des autochtones au « comment allez-vous ? » que je leur adresse civilement. On a beau vouloir se fondre au sein d'une communauté dont on n'est pas issu, on se trouve piégé par des habitudes de langage qui trahissent notre origine différente. Et pour peu qu'on veuille s'en débarrasser, certaines expressions de notre langue maternelle surnagent. Il faut se faire une raison, embrasser une autre culture que la sienne rend l'osmose complète impossible.

Afin d'écourter cet intermède imposé, c'est d'un bon pas que je me dirige vers la seule boulangerie ouverte à cette heure-ci. J'aurais pu avant de quitter mon jardin jeter un œil sur la haie qui le borde , j'aurais pu constater qu'effectivement deux des thuyas Leylandis semblent souffrir d'une bougeotte incompréhensible. En chemin, je m'en veux de cette négligence et me rassure en me disant que je n'ai vu nul éclair suspect éclairer la nuit.Je suis encore bien naïf, ignorant que notre sangsue est équipé d'un objectif infra-rouge. Je bénis ce froid sec et vif de parachever mon réveil et c'est presque guilleret que je franchis le seuil de la boulangerie avant de commander : « cinq croissants, cinq pains au chocolat ! » et je m'apprête à rectifier aussitôt le tir quand l’apprenti qui me connaît m'adresse un « comment allez-vous ? » plus mécanique qu'autre chose et que je lui réponds, royal : « Et là ? » avec un sourire de satisfaction

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