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La Sancha au sang chaud

Un dégueuloir mais sans trop de mauvaises odeurs, je suis trop polie pour ça !

Le coup de pied de l'âne

peine a-t-il tourné casaque que j'entreprends l'âne.

- Tu m'as dit ne pas être la créature de Cervantès mais celle de Shakespeare. C'est un peu court jeune homme…

- Cyrano, coupe t'il. Décidément tu as de la culture ! Il te plait, hein !

- Qui Cyrano ? Je suis positivement ahurie.

- Mais non, bêtasse ! Cette injure est datée et exagérée, j'en conviens mais elle trahit mon vrai siècle. Au jour d'aujourd'hui, expression pléonastique qui se répend partout comme une traînée de poudre, j'aurais certainement dit pouffiasse, pétasse, radasse...et je ne sais quoi encore ? Mais tu vois, après tout, je préfère bêtasse, je trouve que cette comparaison animalière n'obère en rien ton intelligence, voire ton humanité, bien que la terminaison en asse qui l'assombrit tempère quelque-peu mon propos. Bref ! Tu le kiffes ?

- Je kiffe quoi, je kiffe qui ? L'ahurissement se fait suffocation.

- Ben lui le grand escogriffe à qui tu as demandé d'acheter des viennoiseries pour le maintenir à l'écart afin que nous discutions. J'espère qu'il va en rapporté suffisamment pour que je puisse en profiter car s'il est une rare chose que j'apprécie de la modernité c'est cette diversité gastronomique qui hélas de mon temps n'existait pas.

- Ah, lui ! Tu sais, je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir à la question. Quoique...je dois avouer que notre première entrevue n'a pas laissé ma petite culotte indifférente.

- Ta petite culotte ? Laisse-moi rire. Comment expliques-tu les fins élastiques qui surnagent au dessus de la ceinture de ton jean, dès que tu te penches. Un string, tu veux dire.

- Tu m'énerves à la fin !

- il n'empêche, mais tu ne veux pas te l'avouer, que tu en pinces pour lui.

- Et alors !...Et puis d'abord en quoi mes émois sentimentaux te regardent, nous sommes en train d'essayer de te tirer d'un bien mauvais pas. Entre-nous soit dit, il serait préférable que tu lui avoues que tu parles.

- Trop facile...Et l'âne d'ouvrir grand sa gueule, gouffre rouge-brun délimité par une dentition chevaline, pour laisser éclater son rire à gorge déployée.

- Comment ! M'offusquai-je ? Tu n'as pas l'intention de le lui dire ?

- Que nenni, ma beauté.

- Et pourquoi ?

- Ben...Sache que je ne le sais pas encore mais que ce choix ne tardera pas à être pertinent, j'en suis convaincu.

- En gros, tu me laisses dans ma merde.

En gros... Oui !

Incrédule, je le regarde et devant son air buté, je me détourne boudeuse.

Roméo revient un pochon boursouflé en main et d'un air joyeux claironne à la cantonade : le petit déjeuner est servi.

Je n'ai plus faim, je ne me force même pas, écœurée par la traîtrise de l'âne Cela fait son affaire qui engloutit en deux temps trois mouvements et ma part putative de viennoiseries et le surplus que Roméo a laissé dans l'espoir d'une autre pose sustentation au cours d'une matinée qui se promet d'être longue.

Moi, je suis lasse. « Finissons-en » dis-je laconique. J'entraîne le mal-nommé Paradis et mon complice du moment vers un quatre-quatre pick-up dans lequel ils prennent place tous deux sans regimber. Je crois qu'ils ont compris que ce n'est pas le moment de se la ramener.

Avant de sortir de la propriété, j'entrevois dans le rétro latéral droite une tête masquée en partie par une forme rectangulaire surgir de la haie qui longe l'allée. Celui-là je l'avais oublié ! De toute façon, il m'étonnerait qu'il possède un moyen de transport adéquat pour l'amener là où j'ai l'intention de cacher ce...comment qualifier cet être qui lui n'a pas hésité à user de familiarité, que dis-je d'insultes à mon égard ? Et avant que la route empruntée ne mobilise la totalité de mon attention, revancharde, j'en appelle à mes années d'atelier d'écriture pour lui trouver le surnom que son insolence mérite.

Mais voilà, je me heurte à l'anorexie de sommeil qui annihile l'anathème bien senti que je pourrais ahaner contre cet âne. Il me faut remettre à plus tard mon envie de le massacrer à coup de mots puisque ce sont eux qui l'ont façonnés, surtout que les premiers cahots nous secouent. Les chausse-trappes de la route, chemin de montagne non bitumé, mobilisent toute mon attention. Si la voiture venait à s'embourber dans ce qui ressemble plus au lit d'un torrent qu'à une voie carrossable, ce serait le bouquet !

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